> Critiques > Labellisés



Nous étions à l’affût de son retour, contrebalançant la logique des forces en présence. Après une histoire déjà bien remplie, dont celle avec Del Cielo qui reste pour moi l’égale de Diabologum, Mendelson et autres figures tutélaires d’un rock français sans la cocarde, Gaël Desbois est de retour avec Chasseur, projet que nous avions déjà croisé le temps d’un EP (un titre est disponible sur le Volume 41 de nos compilations).

« Crimson King », du nom d’un arbre au pied duquel les cendres du pére de Gaël furent dispersées est le premier album, mais surtout le premier recueil de poésies misent en musique. Épaulé par Nathalie Brurel, les morceaux de Chasseur forment une œuvre globale, sur une thématique presque mystique, celle de faire parler un arbre, qui en traversant le temps donne une profondeur à ses pensées. L’arbre est comme la liaison (Je me Souviens de Tout), comme l’histoire écrite dans les petites perceptions d’un végétal transmetteur.

Le disque commence avec le sol humide de nos forêts d’automne, recouvert de feuilles colorées, ici les sons accrocheurs. Son nom est Crimson King. Il nous parle nous l’écoutons et en venons à nous enraciner comme lui dans un disque aux ramifications multiples et piégeuses, sous le ciel changeant d’un after punk bipolaire. « Bleu » sera comme un clin d’œil à Kraftwerk pour un titre à la poésie obscur comme la nuit, mais grisante comme celle-ci. Il sera temps alors d’entamer une course éperdue, une quête que l’on sait inaccessible (Ailleurs), comme le temps qui passe, qui file, nous échappe, comme le vent. Le vent, camarade (Jouer avec le vent), une suite à « Je Me Souviens de Tout ». « Le Vent » toujours lui, la peinture blanche recouvrant nos écritures. Si vous ne connaissez pas de chanson parfaite, en voici une. De la poésie sur une musique hypnotique, comme le vent. Un gimmick emballe le tout dans une bourrasque. Un titre entêtant.

Tout comme « Au Lointain » construit sur le terrain de l’after punk, élaborant une liaison avec le Meteor Show de Rodolphe Burger ou l’electro rock cabalistique de Bashung. En face, « Le Sillon » creusera dans nos cœurs avec une valse triste dans le carrefour de notre mémoire. « Les Ruisseaux » pourront alors couler, une métaphore de la vie, qui avance sans que rien ne puisse l’arrêter, à part l’assèchement, le manque d’amour. À l’image d’un film des années de la pellicule, c’est un « The End » qui clôt le disque, une marche sans retour, un éloignement dans le silence des mots, dans le dénuement textuel pour une richesse émotionnelle.

Par le prisme d’un être vivant figé, mais aux histoires multiples, Chasseur signe un grand disque de deuil qui comme l’arbre qu’il célèbre prolonge quelque part la vie de ceux qui le nourrissent. Touché en plein cœur.