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Déjà près d’une vingtaine d’albums pour Bertrand Betsch figure emblématique quoique confidentielle de la chanson française, dans tout ce qu’elle a de plus large. On le suit de plus ou moins près depuis son premier essai et coup de maître La soupe à la grimace publié chez Lithium en 1997. J’ai horreur de l’amour est donc le dernier en date (après un double album l’année dernière !) et inutile de vous préciser qu’on ne va pas s’y amuser beaucoup. D’amour il est question, certes, mais de celui qui fait mal, qui vous perfore, qui brûle tout à l’intérieur et vous pousse à penser au pire. Si vous aviez un doute sur le programme, la pochette annonce la couleur pourrait tout aussi bien illustrer la couverture du Petit manuel du parfait suicidaire. Une photo blafarde et crue, une bouche béante dont sort une langue sur laquelle se pose une pilule qui n’a donc a priori, rien d’un bonbon Haribo (c’est beau la vie).

Pas de tricherie sur la marchandise, Tant tard en ouverture affiche déjà l’incapacité de son auteur à s’abandonner, faire confiance ou s’éprendre (Toi que je n’ai jamais aimé, pas faute d’avoir essayé). L’amour et ses aléas, le désespoir, les tourments en fil rouge, mais aussi tout ce qui en découle. La douleur, morale, psychologique ou physique (L’aorte) qui pousse à la nécessité d’en finir parce que bon « vivre, eh oh ça va bien 5 minutes, moi j’ai pas demandé à naître, j’passerais bien par la fenêtre… » (Tout doit disparaître).

Un disque court, direct (9 titres pour 29 minutes) et cathartique mais qui malgré la lourdeur du propos arrive à nous embarquer rapidement par la force des compositions et des orchestrations. Bertrand Bestch écrit, arrange compose, enregistre, mixe et on ne peut lui enlever une certaine subtilité dans ces domaines et surtout un sens de la mélodie indéniable. Sa voix caractéristique, traînante et nonchalante entre un Souchon et un Marchet parvient à éclairer tout ce pathos d’un rai de lumière fragile et vacillant comme en témoigne le refrain du sublime Ultraviolet qu’on ne reprendra pas en chœur dans les stades certes, mais qui aura le mérite de nous hanter un bon moment.

Ce n’est pas avec cet album radical que Bertrand Betsch élargira son audience mais on peut se risquer à voir dans sa démarche une volonté de dynamiter les clichés pesants et convenus de la chanson d’amour à la française. Une version trash et punk de Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerais en quelque sorte.