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J’ai du mal parfois, a comprendre comment les autres âmes qui ne sont la mienne, ne peuvent s’émouvoir comme la mienne, trembler comme la mienne, et ne pas élever sur un piédestal non seulement le chanteur, le compositeur et le poète, mais aussi ce coureur de fond qu’est Bertrand. Je ne comprends que très mal et comme mauvais perdant, que l’on n’ai pas encore reconnu a son juste art, dans l’hexagone et aux confins de la francophonie, reconnu en dehors des undergrounds (ça me fait mal de dire des trucs en anglais, mais ceci est une vérité) a ce créateur de géographies humaines. Après, je rebondis, je me calme et me dis que si il avait ce succès mérité, il ne serait peut être plus lui même, dans cette liberté de mots et sons qui le caractérisent.

Les croyants diront que dieu pose chaque pierre a sa place, moi, athée jusqu’a ce que j’en ai besoin, me dis qu’il y a là, de quoi élever des temples a ce monsieur, du moins, de ces salles de concerts petites et intimes qui nous remplissent d’un bonheur nature, et que dieu garde ses anges et prières, je préfère me vouer a Bertrand et a son marathon personnel dans le business des sages. Ce qui est intéressant chez lui, outre le chemin parcouru, c’est cette envie forte et calme de s’illimiter, ce bonhomme de chemin clopin clopan qu’il gère comme un pèlerinage, non pas que chaque disque soit meilleur que son précédent, ceci restant du domaine des gouts personnels et là chacun trouvera son trône, mais la constante obsession a se réinventer de lui même dans son propre monde, cet art d’ouvrir des dimensions parallèles a son œuvre a chaque travail, cet art du camouflage sans cachettes, du déguisement sans mensonges, de caméléon sans gomme a effacer. Et ci en plus de cet or, il y a des diamants, ne cherchez plus le trésor, il est, encore une fois, dans la discothèque de Monsieur Betsch ". Tout doux" entre dans cette académie de bon gout, de savoir faire et de surprises, a la lettre T, peut être, pour définir autant la transparence des sentiments comme le titane de son tout, compact et méticuleusement émotionnel, T pour le travail en lame de fond de chaque pièce, en fait, toutes les lettres ont leur sièges dans cette académie, il serait long et prétentieux de toutes les nommer, "Tout doux" est un disque de lettres, de syllabes, de mots, de phrases, de strophes et d’éternelles pages a lire d’une oreille heureuse, encore une fois chez lui, un pan de vie. J’avoue être sous l’effet d’un printemps français emplis de soleils, outre les Lou, les récents Dominique A et Fred Signac, les hommages a Yves Simon et une flopée de jeunes talents de bonne langue et jolie lettre, je nage dans un bonheur quasi littéraire qui me réconcilie sauvagement avec le langage francophone, le printemps des poètes avise d’un été de ritournelles selectes et belles, et vient ici se lover, tout doucement, le chronique et magique Bertrand.

Mais parlons moins de l’homme comme matière et plutôt de l’homme comme esprit, car ce disque est d’esprit. Bertrand est certes plus luisant que dans ses antérieurs projets, plus accueillant, plus ouvert, en fait, il a trouvé l’équilibre de la faiblesse, l’unisson de la délicatesse, le disque est un long ruisseau tranquille que l’on longe dans ses paroles, ces petites histoires, ces déboires quotidiennes aux ampleurs magiques. Bertrand est ici, l’unique artisan de ce disque, il y est omniprésent, le grand gérant de son héritage, le canalisateur de ces lueurs, appuyé par de magnifiques sections de cordes, qui adornent la poésie de traits d’arts, de strates successives de beauté et de profondeur. Bertrand ne cherche pas à faire un chef d’œuvre, il cherche l’orfèvrerie, le malin plaisir de la dorure, le sournois rictus du ciselé, et tout cela, dans un écrin transparent comme ses mots, sans trompe-l’œil, sans masque, le véritable. Alors que certain n’apprécient pas la verité, me pousse à croire qu’ils sont faussés. " Tout doux" est un disque de douceur dures comme une verité, dont les ombres sont calmées par des mélodies sensibles et presque enfantines, de ces mélodies hors du temps qui remets dans nos mains , les jouets, les souvenirs de familles de dimanches et les objets cachés dans les images d’Epinal. Il y a ces allégresses subtiles des jours-le-jour, la simple observation d’une minute, d’un geste, et la narration vécue de chaque petit rêve, le conteur émotionnel qu’est Bertrand, cette manière tout a fait sienne, le long de sa carrière, de dresser les biographies des instants.

Voyez-vous, messieurs dames dont le gout diverge du mien, sachez que je n’ai aucun gout sinon tous, et soupèse sans styles ni genres les disques et leurs auteurs par la flamme qu’ils maintiennent en moi quand l’âge tente de la souffler, et cela fait un bon bout de temps, que Bertrand incendie cette bougie. Je crois que nous devrions tous juger ainsi, mais ceci, est intime, personnel, a l’image de Bertrand.