Voici venu le temps de chroniquer cette immense ballade nocturne et aventureuse à laquelle nous convie Bertrand Betsch dans son foisonnant double-album "La Nuit Nous Appartient"... Car c’est courageux en ces époques de disette et de frilosité de la part du monde musical, car toute sortie d’album de l’auteur de "La Soupe A La Grimace" reste un événement, j’ai proposé à certains de ses proches ou simplement à des personnes qui aiment et sa musique et l’homme de nous dire quelques mots forcément subjectifs sur M. Bestch et cette proposition nocturne que l’on ne peut refuser...
Rien d’étonnant à retrouver Catherine Watine dans ce petit groupe qui constitue cette chronique... Nous retrouvons cette même empreinte d’humanité accueillante et lucide dans l’univers de la dame et du toulousain d’adoption...
"C’était un soir de décembre, le 8 de l’an 2011. On pose matériel, et instruments devant le Cri de la Mouette à Toulouse. IL fait froid, on balance en se partageant la console avec les autres groupes prévus. Puis c’est la longue attente, on va dans un café boire des cafés, on revient pour manger les spaghettis du tôlier , j’ai garé la voiture juste en face de la péniche, alors, je vais m’y enfermer pour dormir un peu et je retourne à la péniche, je fais semblant de tout, semblant de rien, pour que le trac reste à un niveau acceptable, pour la montre tourne et que je sois vite sur scène, vite dans un lit de fortune chez des amis, vite dans la voiture pour repartir, et passer le reste de la nuit à rêver la tête dans les étoiles, grisée comme toujours par l’adrénaline de la scène.
Clap ! vient le temps du premier concert, j’en profite pour une fois pour venir me glisser proche de l’artiste. C’est Bertrand Betsch, avec Marc Denis à la guitare et Audrey sa femme qui l’accompagne au chant. Je ne suis pas encore chanson française, j’en suis même loin puisque je viens présenter l’album B-SIDE life, mais je vois cet homme qui chante avec une infinie douceur des textes intelligents et je me laisse porter par sa poésie désenchantée tout en retenue. Bertrand vient de sortir son 5e album : Le temps qu’il faut…. Et pour moi, le temps qu’il faut, ce sera 2 ans après ce concert, pour commencer à converser avec Audrey sur facebook, me mettre à aimer Audrey et à redécouvrir les chansons de Bertrand, me mettre à aimer Bertrand Betsch, sa touchante proximité avec le quotidien, avec les sentiments de la nuit, et le précaire, ce que l’on ne peut jamais attraper sans être pour autant malheureux. Et 2 ans après, voilà que je retrouve Bertrand, s’excusant toujours d’exister « … Je ne fais que passer….Je suis une ombre dans la pénombre… moi le sauvage, moi le taiseux…. » mais cette fois-ci, dans une production foisonnante et presque joyeuse concoctée avec Marc Denis qui l’avait accompagné sur scène en 2011. Maintenant que j’écris en français, je redécouvre la beauté de ses textes. Les choses et les gens se méritent. Je regrette ce soir-là, de ne pas avoir eu le temps qu’il faut pour les connaître mieux tout de suite. Ce sera forcément plus long, avec la distance géographique, mais Bertrand et Audrey font partie de ces personnes lumineuses que j’espère recroiser pour un nouveau partage, et du temps devant derrière pour parler de tout et ne pas refaire le monde, puisque nous y sommes poussière.
Mais la nuit nous appartient, à nous, n’est-ce pas Bertrand !"
Guillaume Carayol fait partie des proches de Bertrand.Vidéaste et musicien dans le projet De Calm, il a travaillé plusieurs fois avec Bertrand Bestch dont le dernier clip en date,"J’aimerai que tu me dises".
"Bertrand fait partie de mes héros de la chanson française. Au moment où nous nous sommes rencontrés, j’avais dans l’idée d’adapter l’une de ses nouvelles. Il y avait, comme dans ses chansons, des images qui surgissaient et qui me donnaient envie de prendre une caméra. Depuis, j’ai eu la chance de réaliser trois de ses clips et je conserve l’idée de faire un jour un film avec lui. Son dernier double album est ouvert vers les autres comme jamais. Le travail de Marc Denis qui a également officié sur le dernier album de mon projet musical De Calm est d’une rare subtilité. Il y a toujours cette tristesse qui fait du clin d’oeil et la puissance de l’espoir qui donne d’ailleurs son titre à l’une des chansons. J’espère que cet album permettra à des tas de gens de faire le chemin inverse dans sa discographie. Pour voyager dans la chanson française, Bertrand est le meilleur compagnon de voyage. Téméraire et fragile, il nous regardera toujours droit dans les yeux."
Quand on me parle de scène française, les noms qui me viennent immédiatement à l’esprit sont immanquablement Mendelson,The Married Monk,Les Marquises,Dominique A, Michel Cloup, Bertrand Bestch et Erik Arnaud... Auteur de trois albums sublimes, il fait pour moi partie de cette communauté restreinte d’auteurs avec un grand A qui savent comme peu d’autres peindre la morosité de notre quotidien et le sublimer.
"Je ne ferai pas ici la chronique de l’album de Bertrand. A part quelques exceptions (London Calling, le double blanc, Something/Anything ?,…), les albums doubles sont toujours trop longs d’au moins 3 ou 4 chansons. Est-ce le cas du dernier BB ? Peut-être. Mais je m’en moque. Je retiendrai plutôt la beauté, les intentions, l’envie, le courage, l’inconscience aussi, le respect surtout. Tout ça, pêle-mêle, caractérise quoi ? Qui ? Un homme, plus tout jeune (après plus de 15 ans de carrière, on n’est plus tout jeune non ?), qui continue à avancer et à faire ce qu’il sait faire malgré, j’imagine, les inévitables difficultés et/ou bonheurs du temps qui passe et qui, potentiellement, éloignent de la chose musicale. Chez Bertrand Betsch, au contraire, on dirait que tout l’en rapproche. Chapeau bas."
Orso Jesenska a sorti l’album français de l’année, "Un Courage Inutile" avec le sublime triple album de Mendelson. Proche de Bertrand Bestch, il a toujours été soutenu par ce dernier qui quand on lui demande un disque à écouter, vous sort souvent ce bel objet d’Orso...
D’ailleurs, pour la petite anecdote, quand je travaillais sur le même type de format de chronique à 4 mains sur "Un Courage Inutile", j’avais contacté M.Bestch qui avait aussitôt accepté avec un enthousiasme exalté et exaltant. Il en a été de même pour Orso comme une évidence qu’il en était, comme s’il en allait de soi... C’est un peu comme une boucle qui se referme avec cette marque de respect et de fidélité entre deux artistes.
"La soupe à la grimace, il y a 16 ans. Jour de coton et de sanglots rentrés. Je trouvais là de quoi faire, de quoi sentir, de quoi chanter. Les chansons de Bertrand Betsch ne me quitteraient plus, je ne les lâcherais plus, de disque en disque, de cœur à cœur. Il y a toujours chez lui ce paradoxe (qui n’est évidemment qu’une apparence de paradoxe) du désabusé et du résistant. Seuls les yeux désabusés peuvent regarder le monde en espérant quelque chose de lui. Ceux qui n’attendent plus rien du monde préfèrent se voiler la vie avec des chansons qui ne les regardent pas. Les chansons de Bertrand Betsch, elles, nous regardent. Elle sont un œil, doux et lucide, terrible. Ce sont des chansons de celui qui s’accrocherait au monde, à l’amour malgré tous les effondrements, toutes les peines, toutes les solitudes. Il nous donne sa solitude en partage et nous ne sommes plus seuls. Ces jours-ci il nous annonce que la nuit nous appartient. Le plus frappant c’est de voir comme il sait filmer en basse lumière, ouverture maximale pour que malgré le nuit, on entrevoit la lumière. Et il rejoue une nouvelle fois, obstinément, sa singularité. J’y retrouve ce que j’aimais déjà tant dans la Soupe à la grimace et c’est pourtant tout autre chose qui se joue ici. C’est le premier nymphéa de Monet qui répète tous les autres...On s’enfonce alors dans cette nuit froide et belle. On se réchauffe dans des trains, et on regarde passer la vie. Si l’on veut espérer quelque chose en écrivant une chanson c’est en risquant quelque chose. Bertrand Betsch risque, se fait parfois plus accueillant, parfois nous renvoie dans les cordes. Il faut se tenir sur une corde sur une crête. Et il tient, révélant ça et là des ambitions nouvelles. Il y a à la toute fin du disque, une chanson à la fois simple et terriblement ambitieuse, qui me paraît relever le défi qui m’accompagne désormais pour les nuits prochaines c’est « Vous marchez la nuit ». Peut-être parce que la radio nous annonce que demain il fera beau, qu’on y croit pas vraiment, et qu’en fait si on y croit. Comme le disait Ferran-Truffaut (il y a tant de films dans les chansons de Bertrand Betsch) : « Les films avancent comme des trains tu comprends ? Comme des trains dans la nuit. » Les disques aussi. Bonne insomnie."
Faire une chronique sur Bertrand Betsch ne pourrait être pleinement complète sans les mots de cet homme d’images qu’est Stéphane Merveille, fidèle parmi les fidèles de Bertrand... Auteur des pochettes d’albums pour Erik Arnaud, pour les derniers Bertrand Betsch et les deux dernières compilations ADA 29 et 30, Stéphane s’exprime sur celui qui est tout simplement devenu son ami...
"1997 – J’achète « la soupe à la grimace » le 1er album de Bertrand Betsch. Le disque sort chez Lithium et qui plus est, Christian Quermalet y participe ; deux raisons suffisantes pour l’acheter. Ce jour là je ne sais pas encore que je viens d’acheter un disque majeur, de ceux qui ne quittent jamais une discothèque.
2010 – Un soir d’automne, je rentre chez moi et Bertrand Betsch m’attend assis dans le canapé du salon familial. Nous avons rendez-vous pour faire le visuel de son nouvel album « Le temps qu’il faut ». C’est un sentiment étrange que je ressens à ce moment alors qu’il est là devant moi et que sa discographie trône en bonne place sur une des étagères à portée de main. C’est la 1ère fois que l’on se rencontre, même si quelques semaines plus tôt j’ai réalisé l’artwork des inédits de la soupe à la grimace. La joie et la fierté de collaborer avec un artiste de son talent se mêlent aussi à ce moment là avec la pression, la responsabilité de donner une « image » à son travail ; parce qu’un disque de Bertrand Betsch c’est toujours un événement dans le petit microcosme de la « nouvelle » scène musicale française. La session photo du lendemain se déroule parfaitement bien. Nos timidités respectives n’empêchent pas la complicité et qui plus est, nous partageons le même goût pour l’humour au « 6ème » degré. Après l’artiste, je sais déjà que je vais aussi aimer l’homme.
Depuis ce jour nous n’avons jamais cessé de collaborer et j’avoue que travailler avec Bertrand est un vrai bonheur ; carte blanche, je propose il dispose, et jusqu’à maintenant ça fonctionne. Pour « la nuit nous appartient » toutefois, Bertrand avait plus envie d’un portrait mais l’idée du visuel est née au cours de la session photo programmée à cet effet. La nuit NOUS appartient, j’ai trouvé intéressant que ce « nous » représente Bertrand et l’auditeur, d’où l’idée de cette main tendu comme une invitation à découvrir le disque, à « rentrer » dedans, à le partager ensemble, comme un lien privilégié, parce que comme souvent avec l’œuvre de Bertrand, je pense que ses chansons se prêtent à l’écoute en solitaire. La nuit nous appartient, et on vaudrait qu’elle dure toujours."
Jérémie Kiefer, chroniqué en ces pages par le toujours brillant et pertinent Guillaume Mazel, qui comme tous ceux qui ont eu entre leurs oreilles ce bel EP, a découvert un de ces artistes avec son univers propre... On attend d’ailleurs avec impatience l’album du monsieur mais place aux mots de Jérémie sur son ami Bertrand...
"Il voyage au bout de la nuit, au bord des mélancolies, une main sur le volant, l’autre prête à raconter le paysage, le souvenir... Les belles histoires, les catastrophes, les embuches n’existent pas. Les actes, oui ! Indispensable est le long chemin. Nous nous sommes rencontrés un jour de printemps, j’avais besoin d’aide sur une de mes chansons "Chien Mars" et il accepta le coup de main. Par la suite d’autres titres sont venus à sa rencontre. De nos échanges sont nées quelques-unes de mes nouvelles chansons comme "Dad". "La nuit nous appartient" est un double album, il aurait pu être quadruple et je me doute que dans son coffre la suite est déjà en cours. Roule Bertrand !! Le facteur cheval a mit une vie pour bâtir son œuvre. Il n’y a pas de point..."
L’album est sorti chez 03h50. Il est disponible dans toutes les bonnes épiceries fines.