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Chez ADA, depuis l’inaugural In the Wrong Place at the Right Time (2012), l’on suivait attentivement la carrière de El Botcho, alors l’annonce de leur séparation, évoquée jusque dans le titre de leur troisième galette (Three Is a Tragic Number) nous avait en 2016 quelque peu chagriné : « En cette époque pas vraiment optimiste, El Botcho va cruellement nous manquer. Car les Toulonnais tutoyaient l’auditeur, lui disaient des mots réconfortants, l’apaisaient et lui faisaient oublier le bordel sociétal dans lequel chacun patauge… Merci, les gars ! ». Excellente surprise, en cette année olympique, le groupe mené par Alexandre Telliez-Moreni (guitare, chant) nous revient, dans une nouvelle mouture – Vincent Lechat (guitare) et Pascal Abbatucci-Julien (batterie) rejoignant l’historique Sébastien Poggioli (basse) – et avec des compositions en français. Reste à savoir si Le Salto est un salto arrière à l’issue duquel on se brise la nuque (RIP, Sifiso Lungelo Thabete), ou une manière de rappeler que les chats ont neuf vies et toujours retombent sur leurs pattes. En douze titres gorgés d’électricité, de mélodies addictives et de chœurs aériens, le quatuor nous livre une jangle pop énergique, teintée de shoegaze et rappelant The Posies, Teenage Fanclub tout autant que Welcome To Julian. La production ligne claire est un régal, nous ramenant certes vers des 90s probablement idéalisées mais s’avère tout à fait contemporaine : dans l’underground nous savons que non, le rock n’est pas mort. Mention spéciale à Une Étrange Lueur et sa tuerie de refrain : à écouter à fond pour en saisir l’adolescente intemporalité. « Et si je sens le vent tourner / laisse-moi une chance de m’accrocher / tout seul je ne veux pas m’envoler / gardons nos forces pour déconner ». Oui, du shoegaze chanté en français, c’est casse-gueule, mais El Botcho s’en sort avec brio, parce que le groupe, sans complexes, oscille entre le premier degré inhérent au genre et une fausse naïveté à la lisière de la noirceur, qui lui permet de rester crédible de bout en bout – Loupé Ma Chance, on l’a tous vécu, ça ne nous empêche pas de persister (à tort ou à raison). En ce sens, conjuguant la prédilection de El Botcho pour un registre suranné – que respectueusement ravive le quatuor, à coups de guitares arpégées, de rythmiques amples, de mur du son et de voix réverbérées – et une passionnante singularité au sein de la scène hexagonale, Le Salto est une vraie réussite. Si Three Is a Tragic Number, four is a magic number, ça valait le coup d’attendre.