Chez ADA, le prolifique violoncelliste canadien Nick Storring – dont (entre autres) nous chroniquions il y a deux ans l’excellent Music For Wéi – est un fil rouge qualitatif. Alors certes, sur ce nouvel album de ses confrères Dun-Dun Band, il se contente d’en élaborer le visuel, mais forcément, cette simple photographie bleutée nous donne envie nous plonger dans ce Pita Parka, Pt. I : Xam Egdub à l’intitulé nébuleux (joycien ?), publié par le label Ansible Editions (High Alpine Hut Network, Adams, Dunn & Haas, The Brodie West Quintet).
Figure tutélaire du Toronto underground, Craig Dunsmuir (« dieu méconnu de la guitare », selon VICE) a aggloméré depuis la création en 2016 de Dun-Dun Band pléthore de talents prêts à le suivre jusqu’au bout du monde, au gré d’expérimentations à haute valeur ajoutée dont l’aboutissement se voit matérialisé en un premier album aux accents jazzy lounge, tirant ses racines du free rock 70s tout autant que du post-jazz des 90s, qui vit les bassistes prendre le pouvoir.
Fièvre et arythmie au programme, les trois compositions de Pita Parka, Pt. I : Xam Egdub savent s’exonérer, à coup de claviers répétitifs ou d’harmonies apaisantes, des clichés avant-gardistes pour s’aventurer jusque dans un post-rock espiègle – No. 20 (Once Raw : The Aging G) –, le sol contre le do de Terry Riley, qui sait néanmoins créer de la tension et de la mélancolie, même si parfois l’on ne peut s’empêcher de penser à Pierre Henry et ses ponctuations fracassées.
Qu’on le veuille ou non, blue is the note sombre sur No. 7 (Nilan), comme un diable, comme la fièvre, comme la communion d’un groupe qui joue au diapason, chaque instrument – la rythmique tendue, la guitare araignée, les cuivres magnétiques – à l’unisson évoquant les films italiens des 70s, l’on s’attend à voir débouler cannibales et kidnappeurs de femmes blondes à forte poitrine, la souplesse new-yorkaise à l’appui, celle de Thelonious Monk et Miles Davis, mais les arpèges de guitare nous ramènent au présent qui gratte et qui pèse, sous le haut vent malsain, sous le haut vent qui souffle trop fort pour nous permettre d’entendre les myriades de subtilités qui parcourent, d’un glissando harmonique l’autre, d’un arrangement espiègle ou malin, un disque particulièrement aventureux. Branchez vos oreilles.