After The Wave, publié en 2021 et chroniqué en ces pages, faisait la part belle aux collaborations instrumentales : le nouvel (et neuvième album) du parisien – originaire de Dordogne – Laurent Saïet, par ailleurs bibliothécaire et grand amateur de musiques de films, creuse le sillon coopératif jusqu’à inviter des artistes tels que Theo Hakola et Mélanie Menu à librement poser textes et voix sur les douze compositions d’un The Last Man Before Dawn à l’intitulé hautement cinématographique (post-apocalyptique ?), qui aborde des thématiques très fin du monde (et néanmoins consubstantielles à l’histoire humaine), solitude, désespoir ou aliénation, en écho à une actualité pas toujours réjouissante. Outre les invités précités, l’on retrouve Tatiana Mladenovitch (Fiodor Novski), Ben Ritter (Begin Says), Mika Pusse (The Mikes) et Damien Van Lede (Pepe Wismeer), ainsi que les musiciens présents sur l’opus précédent, soit Quentin Rollet (Prohibition), Paul Percheron (Stamp) et Thierry Müller (Ilitch), également auteur des visuels d’un album au long cours, dont la durée (une heure) permet aux créations sonores de Laurent Saïet de diffuser leur éminente charge émotionnelle. Du menaçant Contortion qui, une fois passé le spoken word introductif, se voit exalté par un saxophone fiévreux et une section rythmique dont la tension brute et néanmoins souple rappelle The Fall, au conclusif Descientize Me, climat lourd / sourd nimbé de réverbération et de motifs de guitares électriques claires typiques du rock gothique des 80s, The Last Man Before Dawn fait la part belle aux atmosphères crépusculaires, à l’instar d’un As Yelly Canny Eyes synthétique tout autant qu’organique : une certaine idée de la dark wave. En effet, de la ballade d’obédience trip hop Far From The Sun à l’électro cabaret baroque – ascendant garage – Judy, en passant par Under Cover, invoquant le jeune Nick Cave ou The Veils et qui ferait bonne figure sur la bande son d’un James Bond, tout passe au tamis ambitieux des prédilections de Laurent Saïet : si majoritairement les compositions s’appuient sur des progressions mélodiques, en ce sens il s’agit bien de chansons, à l’instar du morceau Blinding Guru – on en profite pour saluer les impressionnantes prestations vocales de Mika Pusse –, les arrangements souvent flirtent avec l’indus, l’ambient et le jazz expérimental (Far Away), à tel point que l’on pourrait qualifier The Last Man Before Dawn (amis puristes, accrochez-vous à votre tabouret, j’invente un nouveau registre musical) de pop symphonique de bunker, aussi belle et torturée qu’une nuit tourmentée passée à attendre l’aube.