L’été dernier, je m’étais défoulé sur l’épouvantablement long, prétentieux et indigeste Atum : A Rock Opera in Three Acts, me faisant la promesse, après plus de deux heures d’intenses souffrances, que l’on ne m’y reprendrait jamais. Mais il y a que depuis j’ai culpabilisé, réécouté l’excellent Siamese Dreams et visionné des concerts du groupe : peut-être fus-je (non pas injuste, Atum est vraiment atroce) un chouia virulent. Après tout, sur terre, il y a bien pire que les Smashing Pumpkins et les délires mégalomaniaques de leur Billy Corgan de leader : même avec paillettes et immondes nappes de synthés, it’s only rock’n roll !!! Alors, quand dans l’indifférence générale les Chicagoans annoncent la sortie de Aghori Mhori Mei, leur nouvel et concis treizième album (10 morceaux, 45 minutes, basta) à l’intitulé nébuleux (un Billy Corgan non cryptique ne serait plus Billy Corgan), je me dis « pourquoi pas », d’autant plus que le guitariste James Iha et le batteur Jimmy Chamberlin – tous deux membres originels des Citrouilles Fracassantes – répondent, et pas qu’un peu, présents. D’emblée, ce qui frappe à l’écoute de l’inattendu Aghori Mhori Mei, c’est le retour en force des guitares électriques : jetez une oreille à la fabuleuse introduction d’Edin pour vous en convaincre, une minute et vingt secondes de gros riffs heavy metal psychédélique, comme à la grande époque. Que ça fait du bien de headbanger dans son salon ! Certes mélodiquement anecdotique, le reste du morceau est à l’avenant, les Smashing Pumpkins semblant renouer avec cette fougue qui fut la leur dans les 90s, ajoutant ici et là une pincée de stoner ou de Led Zeppelin. Plus acéré et mélancolique et proche de nous (on se croirait dans les 2000s), Pentagrams lorgne clairement vers l’emo, registre (honni, à cause des coupes de cheveux) au fort pouvoir émotionnel, teinté en son final de hard rock 80s, ça fonctionne, et puis l’on ne va pas se mentir, l’alliance puissants riffs de guitare + section rythmique qui tabasse, ça reste le point fort du groupe, bien plus que le maniérisme vocal de Billy Corgan, même si reconnaissable entre mille. Si la production est efficace, elle aurait mérité de gagner en épure : entre les scories synthétiques (le sirupeux Pentecost), les à-côtés prog rock un peu chiants et des chœurs féminins aux fraises (Sighommi), sachant que par ailleurs les compositions ne sont pas toujours inspirées, on a affaire à une œuvre qui brille avant tout pour son énergie (retrouvée) et ces bonnes grosses vieilles guitares électriques, riffs, solos, mur du son, tout y passe, à se demander si Aghori Mhori Mei n’a pas été pensé pour la scène. Vous les visualisez, ces milliers de larmes roulant sur les joues des fans au cœur fendu par la ballade Who Goes There ? Oui, vous ne rêvez pas. Les Smashing Pumpkins se sont fendus d’une love song ! Une love song putassière digne d’un teen movie, et en plus elle est chouette (j’ai toujours été bon public pour le sentimentalisme facile). Hormis le ratage Murnau, soupe variéto-cabaret d’une laideur abyssale, le reste de l’album confirme le retour à la spontanéité d’un groupe que l’on croyait perdu pour le rock, mais si le parti-pris d’actualiser le son – adoptant une ligne claire metal – est parfois perturbant. On préférera donc les textures post-grunge d’un Goeth the Fall à la coloration 2000s de 999, qui claque mais intellectuellement dissone. Sans grandes compositions et malgré une production que l’on qualifiera au mieux d’étonnante, Aghori Mhori Mei s’en sort honorablement, nous rappelant qu’en 2024 les Smashing Pumpkins sont toujours un groupe de rock et, s’ils font le nécessaire (garder les guitares, changer de producteur, écrire des vraies chansons), alors le prochain opus sera encore meilleur. Rédemption en cours, à suivre.