20 ans, il aura fallu attendre 20 ans pour entendre de nouvelles chansons de Matt Johnson et de son groupe mythique et adulé chez les bègues The The. Les rumeurs laissaient l’homme malade et occupé à solder son passé via des compilations et des passages sur scène figés sur disque. Quand est arrivé au printemps, un mail m’annonçant l’arrivée d’un album sur mon visage se dessinait à la fois de la surprise, de la joie, mais aussi de la perplexité, ayant souvent à essuyer les déceptions quand des retours des terres arides ne découlaient qu d’une sécheresse d’écriture.
Avec mon visage reprenant les mimiques de celui qui trône sur la pochette, je me plongeais alors, non sans excitation dans Ensoulment. Cognitive Dissident qui ouvre l’album permet une reprise de contact en douceur. Les fondamentaux sont là, Matt Johnson ne nous dupe pas sur la marchandise. Dès le fantastique Some Days I Drink My Coffee By The Grave Of William Blake, plus de doute, non seulement Matt est de retour, mais il a des choses à dire, des choses à écrire, du chef d’œuvre à revendre. Masterpiece, comme disent les vieux en mal de petites Anglaises, se titre et sa soul classieuse, jamais vaporeuse laisse sa place sans temps mort avec le Matt Johnson conteur, inquiétant et passionnant sur Zen & Art Of Dating du The The pur jus. Dés lors, il s’installe sur la scène d ’une salle de jazz, se cachant derrière la fumée des cigarettes grillées dans l’illégalité, égrainant des chansons toutes plus prenantes les unes que les autres, accompagné par un groupe au diapason de ses chansons, de choristes qui éclairent la gravité. Car si Matt n’a plus la pancarte revendicative au bout des bras, l’oriflamme politique, c’est le temps qui passe et son impact monopolise sa pensée et les chansons s’en ressentent (le poignant Where Do We Go When We Die ?) , évitant la mélancolie pour un constat ciselé et froid, dans une représentation brûlante. Matt Johnson aura donc mis 20 ans à revenir, mais il le fait en nous offrant 12 standards, faisant de ce Ensoulment un chef d’œuvre qui fera date. Le roi n’est pas mort, vive le roi.