Annie Clark, Annie Clark, Annie Clark… L’on aura suivi d’assez loin la carrière de la talentueuse multi-instrumentiste native de Tulsa (berceau de Stacy Valentine et David Duke, à vos Wikipédia !), démarrée mid-00s au sein des Polyphonic Spree puis auprès de Sufjan Stevens pendant la tournée de promotion d’Illinois, climax d’une décennie qui n’en manquera pas, avant d’œuvrer en solo sous le patronyme St. Vincent – tiré d’une chanson de Nick Cave, « And Dylan Thomas died drunk in / St. Vincent’s hospital » − avec la parution en 2007 d’un premier album au titre engageant tout autant que malaisant, Marry Me. Invitation ? Injonction ? De quoi questionner l’institution du mariage et, plus largement, l’aliénation constitutive des relations affectives. Derrière les sages bouclettes brunes et le regard dans le vide, un tigre se tapit, qui ne demandera qu’à batifoler avec brio dans la jungle du show-business. C’est ainsi que, passant d’un costume l’autre – cousine réservée de Kate Bush, néo-Debbie Harry, Madonna underground (la période Masseduction), diva sophistiquée –, Annie Clark se fraiera un chemin vers les sommets, du moins critiques (elle remportera quelques Grammy Awards), et collaborera avec David Byrne (Love This Giant, 2012), Amanda Palmer et Taylor Swift. As de la six-cordes (le magazine Rolling Stone – si tant soit peu la démarche est pertinente – la classe 26ème meilleure guitariste de tous les temps), Annie a décidé de produire elle-même son septième opus, enregistré entre Los Angeles, New York et Chicago, pour lequel elle invite (entre autres) Cate Le Bon, Dave Grohl et Stella Mozgawa (Warpaint) : All Born Screaming nous offre dix compositions luxueuses, entre ballades éthérées (Hell Is Near), minimalisme soul à la lisière du trip-hop (Reckless évoque la Beth Gibbons 90s), electroclash gorgé de distorsions (Broken Man) et… bouillie rock indus psychédélique (le bavard et décousu Flea). Si l’exécution est impeccable, il faut admettre que malgré l’inventivité, le groove et les stridences, l’on s’ennuie un peu, et ce n’est pas l’étrange Big Time Nothing (FatBoy Slim – grosse basse vibrante répétitive – meets Prince) ou l’hyper lounge Violent Times (Portishead + John Barry, générique du prochain Jane Bond ?) qui vont y remédier : définitivement, la forme (clinquante) prime sur le fond (peu de mélodies mémorables), pas très grave. Le reste de l’album est à l’avenant, sans que l’on y trouve quelque chose à redire : St. Vincent est une artiste précieuse et moi un chroniqueur retardataire (All Born Screaming est sorti en avril dernier) dont l’avis mitigé n’a aucune importance. Il y a que je m’en serais voulu de passer à côté et puis, Annie Clark, Annie Clark, Annie Clark…