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Deux chaises avec un coussin tigré vide, un café de la danse plein, Yann Tambour "Thee, stranded horse" prend son temps pour accorder les 21 cordes de sa Kora, il peut compter sur la patience de l’audience ce soir, car il a invité Ballaké Sissoko, un maître de cette harpe ancestrale mandingue, ça se mérite... Ils entrent enfin sur scène, ce qui frappe d’emblée, c’est la différence de taille entre les deux instruments, celle de Yann a le volume d’une petite casserole alors que celle du maître fait la taille d’une marmite familiale. Ballaké est recouvert d’un boubou noir en toile synthétique un peu atypique je pense, il se permettra toutes les fantaisies ce soir pour ce choc des cultures...

Ballaké rassure d’un large sourire son poulain impressionné qui ne peut empêcher son genoux de trembler. Yann apporte les bases de ses compositions, qui sont comme des impulsions temporelles pour que Ballaké distille sa magie. Par exemple sur "le sel", Yann joue les basses pénétrantes, Ballaké s’efface sur le chant de son jeune ami, mais sublime cette chanson sur les passages musicaux, Yann ne le quitte pas des yeux, profitant comme nous de ce spectacle incroyable, Ballaké se permet toutes les fantaisies, reproduit le son des grains de sel en frottant les cordes avec ses ongles, il s’amuse comme un enfant en faisant résonner une seule corde grave pour faire vibrer toute les structures de la scène du CDD, il manipule charnellement les cordes de sa kora, si il soufflait dessus elle chanterait comme des cordes vocales amoureuses...

Sur un morceau de Kora traditionnel, Yann improvise à la guitare sèche, et amène sa touche folk au folklore africain, capable de renverser les rôles, ils deviennent complices, complémentaires. Les deux koras se confondent, forment une unité, je vous passe le chapitre symbolique d’une telle rencontre... Ballaké possède un don d’écoute surprenant capable de s’adapter naturellement à un riff de guitare pop et d’expérimenter en direct des techniques improbables d’où jaillissent d’ éclatantes sonorités, ni l’un ni l’autre n’es capable de s’arrêter lorsque la vitesse s’emballe et que les notes se démultiplient , on perd pied, ne sachant plus dans quel sens se déroule l’action, on se retrouve face à un horizon rempli de fleurs balançant leur tiges dans une harmonie parfaite, on a envie de s’étendre au beau milieu. Le jeu de Yann toujours très épuré, Ballaké s’adapte dans les intros en soutenant la rythmique, puis lui fabrique des ponts incroyables, des ascensions magnifiques dont seul un sorcier est capable.

Se laisser happer par les notes d’un virtuose de la kora, c’est se laisser caresser les sens par milles doigts, un massage de l’âme, un voyage à l’intérieur de soi, un retour à une vibration originelle. Cette expérience saine est fertile, elle me transporte dans la nature sensorielle de ma mémoire, réveillant les souvenirs de vent, de terre, de feu, l’odeur des braises, de la mer, des arbres, dans cette danse tournoyante et vertigineuse des sens s’entremêlant, je retiens la force mystique de cet instrument, je reprends mon souffle à la fin, je reviens à la vie, je respire l’air comme à nouveau né.

dernières dates à ne pas manquer si vous êtes dans ces coins là :

# 16/04/09 : BREST / Le Vauban # 17/04/09 : NANTES / Pannonica # 18/04/09 : SAINTES / Théâtre Geoffroy Martel # 19/04/09 : TARNOS / Eglise des Forges



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