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Nous quittons la rade, nous quittons la mer, nous quittons le calme, nous allons vers la tempête, une bourrasque aride d’où seuls les chardons poussent. Nous quittons Sandra Escamez avec crainte, et sans que cela soit mieux nous voici avec Cyrielle Martin, qui elle amène autre chose, plus proche d’un son 90’S de My Bloody Valentine à Lush, plus Kim Gordon que Cocorosie, c’est toujours parfait. On cherche l’amplitude, elle est là mais naturelle, Cvantez ne rajoute pas, n’enlève pas, en un mot ne triche pas.

Après Quert, et une longue attente après « Yvettela Musipontaine », Olivier Salaun est de retour avec ce « Tigers » accrocheur et accroché, presque un disque de combat, avec la fleur au fusil car Olivier est un tirailleur poète de la guitare, un adepte de la rime musicale. Pour être juste avec l’histoire je me souviens qu’Olivier me parlait d’une sortie rapide, dans la foulée, et puis le chien n’avait plus rien à boire, il tirait la langue. Une fois dit, cela vous donne le vertige, comment, l’un des meilleurs albums de l’année 2006, allait il être celui de l’année 2011. Mais plus encore, comment celui ci aurait il pu nous échapper, ne jamais nous enchanter. Il est impossible de ne pas en faire une chronique linéaire, un titre par titre comme des grandes marches à escalader avant la reconnaissance.

Dés l’ouverture (Shade) on sent que quelque chose a changé chez Cvantez, la relative quiétude de « Yvettela Musipontaine », a laissé place à un son massif presque lourd mais brut pour, paradoxe, un titre presque aérien. En quatre minutes Cvantez, signe son retour par un pilonnage en règle de son précédent album. Le glaive de Cvantez c’est la guitare. Oui, Cvantez est un groupe de guitares, mais pas comme on peut l’entendre avec des cheveux qui se prennent dans les cordes, et huit abrutis qui simulent la montée de blanc en neige. Cvantez est un groupe de guitare chirurgicale et poétique à la fois. Chanson titre de l’album, « Tigers » semble nous attendre cachée, comme un chasseur guettant sa proie, nous prenant par surprise par ses chœurs comme des sirènes aimantes. Prenez le meilleur des Breeders, Kim Gordon qui se lève du pieds le plus pop, ajoutez y des guitares espiègles vous obtiendrez le sautillant « So Low », parabole presque hispanisante. On a presque envie de crier Holà, les doigts dans la prise. « Leave You » nous ramène au dernier effort de Françoiz Breut avec un sens de la destruction plus fort ici. Olivier Salaun est capable en un quart de seconde de faire basculer son titre à 360° sans que l’auditeur ne perde totalement ses traces. Avec (That Diving) c’est une tension Sonicienne, On attend l’étincelle, mais Olivier se rappelle qu’il est avant tout un peintre qui aime à décorer. Via « Positions » chanson que vous découvrez sur le volume 23 de nos compilations, vous découvrirez une fusée à plusieurs étages. Des guitares comme un feu d’artifice, et l’image n’est pas surfaite. Il y a dans ce titre quelque chose de totalement fou, mais de maitrisé. Pour « She Had A Story » c’est encore le fantôme de Kim Gordon fait bien plus que rôder au dessus de ce titre, il a convoqué même une partie de Sonic Youth. « No Longer » sait se faire attendre ne rien promettre, se balader en laissant couver le monstre. « James Stewart Story » Morceau aussi classe et multiple que pouvait être le génial acteur américain. Cvantez maitrise de mieux en mieux les dissonances, les échappées belles. « Tapes » est elle une respiration presque pop. La reprise du Lucretia de The Sisters Of Mercy. Morceau débarrassé de sa morgue pour une chose plus lumineuse mais tout aussi terrible. « Lucrecia » est moins ramassé, le titre s’offre une lumière, des battements d’ailes étonnant. Il y a un sens de la destruction sur ce titre tout à fait étonnante. Olivier semble y détruire ses guitares.

Au final ne me dites pas que « Tigers » est la fin de quelque chose, la tempête qui va tout raser, une histoire qui tourne en rond, et qui nous rend fou. Olivier Salaun vient juste de rendre le plus bel hommage qu’il soit au 90’s, années qui me rendent nostalgique. « Tigers » est un disque d’une humilité qui pousse au respect. Pas d’artefact, pas de lampion, une façon brute (et non brutale) de nous dire que l’on sert la musique car on l’aime, avant d’en profiter. Le trio n’est pas philanthropique, mais il est généreux et sincère, voyant en cet art une belle façon de rester en vie. Un disque magique et simple, avec au commande un garçon attachant qui m’a l’air plus que bien. Pour faire brut et chaleureux comme l’est le disque, Cvantez je t’aime.