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L’année 2013 (qui n’est d’ailleurs pas finie) aura été un très grand millésime pour la musique hexagonale.

Cette victoire de la Musique pour Dominique A couronnant vingt ans de carrière intègre et vécu par procuration avec fierté par une scène (et son public) plus underground.

Le retour de Mendelson avec un triple album magistral déjà disque de l’année pour les dix prochaines années à venir et jalon majeur de la musique d’ici (et d’ailleurs...) Le premier album d’Orso Jesenska, "Un Courage Inutile" qui permettra à beaucoup d’entre vous de découvrir un grand auteur.

En cet an 2013, nous avons aussi rencontré l’autre projet de Fabien Guidollet, moitié de Verone, avec Sammy Decoster, Facteurs Chevaux et leur folk hanté déja chroniqué en ces pages.

Le même Verone qui avait sorti avant l’été un EP annonciateur de ce nouvel album, "La Percée".

Le voici donc enfin ce troisième album du duo qui a fait un bon bonhomme de chemin depuis ses débuts plus électroniques.

Point commun entre ces trois albums, un onirisme bien planté dans le quotidien. Nous sentons bien l’influence du projet "Facteurs Chevaux" dans la manière de poser les atmosphères musicales.

Quoi d’étonnant que de trouver des ambiances bucoliques, d’un certain retour à la nature dans ces titres enregistrés à l’Ile aux moines en Bretagne. Il y a toujours cette voix étrange qui ose le jeu avec la théatralisation de l’espace temps.

"La vallée" nous fait une invitation à la déambulation dans ces chemins tortueux que l’on ne peut refuser....Ce titre était déjà présent sur l’EP avec ce torrent qui s’écoule dans un tumulte silencieux depuis le haut de la montagne.

"Enfouis sous la poussière

les sarcophages enlevés

dans leur gangue nous rappellent

que nous quitterons la vallée"

Toujours des promesses tenues de menace sourde derrière la sérénité déguisée... Nous sommes le fils Courge du "Jour des Corneilles" (ce beau roman de Jean-François Beauchemin) qui s’initie à l’entremonde pour se diluer dans l’humanité dans "Suspends des chaussures".

Qu’il est beau le piano de Claire Redor (dont il faudra vraiment que j’écoute l’album) comme en suspension à nos larmes.

"La Percée" nous force à la retrouvaille avec nos sensations enivrantes et oppressantes d’enfant quand nous nous enfoncions dans les forêts avec la rivière qui chantait en guide éclairé. Nous revoyons ces ombres inquiétantes sur le mur épais des feuillages, l’araignée d’eau qui glisse gracieusement sur l’eau comme une idée effleure doucement l’esprit pour mieux s’éloigner l’instant d’après. Nous retrouvons cette certitude d’être vivants au bord des falaises.

Nous nous retrouvons dans cette nature qui finalement ne parle que de nous-mêmes.

Nous plongeons dans ces eaux avec le "Fish Pedicure" pour nous laver et nous purifier de ce que nous ne sommes plus.

Nous retrouvons la chaleureuse "Mamie" déjà présente elle aussi sur l’EP. C’est comme une petite parenthèse sur une peinture plus naturaliste, une petite vieille cachée dans son HLM et sa solitude avec sa télé omniprésente, cette personne âgée que nous serons tous un jour.

Cette vieille commère, c’est un peu l’antithèse de la "Mamie" du précédent titre. Ici la médiocrité est résumée en quelques particules d’envie, de jalousie, d’aigreur et de bêtise ordinaire. "Izenah" avec sa sensualité aux tonalités orientales dsicrètes s’ancrera définitivement dans vos oreilles.

"Ma douce Jeanne

A cheval se pavane

votre humble monture

qu’un licou torture

prie à genoux votre grâce

que claque sa juste cravache"

Il y a quelque chose du Troubadour dans ce titre sublime, quelque chose de moyen-âgeux, à la fois suranné et intemporel dans ces quelques minutes délicates. Quelque chose d’une chanson de geste, comme une volonté de se perdre dans une carte du Tendre où s’ébrouent des vapeurs de luxure exquises.

Retour à la frontalité du quotidien avec "Vieille peau". On croit revoir les vieux combats pathétiques de la routine de Gabin et Signoret dans "Le Chat". C’est un peu comme le bilan de l’échec d’un corps qui entame sa décomposition.

"Ah que c’est dur d’être vieux

Maintenant c’est toi et c’est plus eux

Fini le temps où t’étais le roi de la fête...

Tes jours s’étiolent au bord du lac

sous les lampions, tu joues au Scrabble".

Fabien Guidollet nous met face à nos craintes viscérales qui nous scutent : Vieillir, perdre le contrôle de soi, vivre avec ses souvenirs et ses instants morts, thématique très présente dans tout l’album. "Bleu" réunit les deux univers, celui du maintenant et celui des images oniriques avec ce texte ouvert à l’interprétation et cet hippopotame bleu dans son piano rose...

Crédits photo : Emmanuel Piau

"Fêler mon gars ta coque" avec ses bruits de la nature qui vit, ne veut pas choisir entre les comptines répétitives et enivrantes de notre enfance et une Afrique domestiquée.

Avec "La Percée", Verone évolue encore et nous propose peut-être son meilleur album à ce jour. Le groupe se réinvente perpétuellement sans jamais nous oublier. Et puis, il y a ces textes tour à tour étranges, symboliques puis directs, durs, parfois cyniques et réalistes.

Verone est de ces groupes attachants, généreux qui en quatre petites minutes sait mêler des sentiments comme la tendresse, l’ironie, la sensualité avec une infinie sensibilité des sens.

Regardez la pochette de "La Percée". A elle seule, elle résume bien Verone, le couple entouré et couvert de chimères, d’arbres déracinés sans feuilles avec ces regards doux tournés vers nous dans une inquiétude paradoxalement sereine. Dans le livret intérieur, il y a ces racines d’arbres comme des méandres, comme des ramifications veineuses qui soufflent la vie... Prenons le chemin de ces petites artères et nimbons nous de l’étrangeté accueillante de "La Percée".

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http://claireredor.bandcamp.com/

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