> Critiques > Labellisés



Fondé en 2002 par Maëlle et Arnaud Le Gouëfflec, le label brestois L’Église de la Petite Folie, dont le copieux catalogue revêt avec le temps un caractère labyrinthique qui nous va à merveille, tant on aime s’y perdre et se laisser guider (jamais vers la sortie) par des choix artistiques pertinents – il s’agit certes de chansons, mais composées dans les angles morts du mainstream, là où, profond et ramifié, l’underground fourmille d’idées fulgurantes –, fête ses vingt années d’existence et nous offre, en guise de gâteau surprise (qu’allons-nous trouver à l’intérieur ? Du LSD qui rend sérieux ? Non. Du chouchen à bulles ? Nan. Un paquet de bonbecs qui parlent ? Nan nan et non : attendez la fin de cette chronique), « L’Église de la Petite Folie Parle aux Gens Réveillés », une compilation de 16 titres hautement recommandables, parade pimpante, revue des troupes, tour de piste (et de force) avant de reprendre la course dans les méandres des méandres (tout un programme).

Dans cette aventure au long court, Maëlle et Arnaud ont la chance de disposer de fidèles soutiens, tel John Trap, multi-instrumentiste et architecte sonore de la plupart des disques publiés par le label, ainsi que Gildas Secretin – alias Garden With Lips, dont le prochain album sort dans quelques jours –, qui signe la majeure partie des visuels et donne à L’Église de la Petite Folie son identité graphique. Par ailleurs, le label organise chaque automne à Brest le Festival Invisible, à la programmation éclectique et enthousiasmante – la 17ème édition se tiendra en novembre prochain –, qui voit défiler la crème de l’underground : Faust, Jad Fair, Magma, Jonathan Richman, Lydia Lunch, Half Japanese, Pere Ubu, Calvin Johnson, Gang Of Four, Thurston Moore, The Young Gods et j’en passe, this fookin ‘ list is very long.

Ainsi, gravite autour de L’Église de la Petite Folie une véritable famille, où chacun met la main à la pâte : publication et promotion (le catalogue est riche de centaines de références, tous formats confondus – livres disques, vinyles, cassettes, digital, etc.), organisation des soirées - de l’accueil des artistes à la régie en passant par le catering -, création de spectacles à l’attention du jeune public, mise en place d’évènements atypiques, tels que des batailles de poésie, des concerts dessinés et des dégustations de vin. En résumé, une bonne nébulosité nécessite une nébuleuse de bonnes âmes.

Si la philosophie de L’Église de la Petite Folie puise ses racines dans une éthique do it yourself héritée de ses débuts, point de snobisme : jamais le manque de moyens ne bride la créativité. Ambition artistique et lo-fi sont parfaitement compatibles, dès lors que l’on a quelque chose à raconter (soi ou le monde, ou soi dans le monde, ou le monde sans soi, voire le monde sans le monde) et d’autant plus quand, en matière de registres musicaux, l’on ne s’interdit rien : musique de film, sampling et expérimentation en cinémascope (John Trap), comptines paraboliques krautrock (Arnaud Le Gouëfflec), mille-feuilles pop mélancolique (Garden With Lips), rock psychédélique (Delgado Jones), chanson claire obscure (La Boîte à ooTi), post-rock pointilliste (Paplapla), incandescences lettrées (Valier) et spoken word bruitiste (Manu Lann Huel). Invariablement, ces chansons (très souvent chantées en français) aux formats tordus distordus jamais entendus nous entraînent dans un ailleurs étrange, perte de repère salutaire en guise de désapprentissage de la variété à papa.

La voilà, la surprise dans le gâteau : L’Église de la Petite Folie vous emmène en cure de désintoxication. Alors préparez votre valise à pois (n’oubliez pas votre doudou), dîtes au revoir à vos certitudes et embarquez dans un kaléidoscope sensoriel volant où leur équipe de spécialistes au grand cœur et au goût certain saura remettre d’aplomb vos oreilles endormies, parce que « L’Église de la Petite Folie Parle aux Gens Réveillés ».