Apaisant mais aussi déroutant et surprenant dernier album de Babx qui vient de sortir. La maison avec un piano dedans. Sur « Milonga » les accents romantiques de quatre études de Szymanowski se rappellent à notre souvenir. 

Ailleurs c’est sans aucune autre possibilité vers Louis Gottschalk que nous serons tentés de nous tourner. La Nouvelle-Orléans, ses wards, ses ghettos - Magnolia, Calliope - et ses pianos. Nombreux, endommagés, colorés, sobres, pesants, anciens, de location, coréens, décorés, des tas de pianos, des faux, des vrais. Là c’est un vrai. Un vrai voyage. 

Car ce Babx qui a le culot de sortir un album instrumental, loin des cabarets mais tout près de certains cinémas désertés, joue, oui, au plus près des amateurs de sorties éblouies du film, au plus près des rêveurs endormis dans des canapés, tout, tout près des désenchantés de l’existence (« Ballerine »). Ou, plus simplement, pour une mignonne petite famille un samedi après-midi pluvieux… « est-ce-que demain y a école ? » 

Émergeant du rêve à l’écoute de « Train Cajun », qui en effet avance dans le bayou sans oublier de nous charmer (c’est un train qui « roule les r »), nous répondons à l’enfant. Puis trouvons autrement plus passionnantes les recherches musicales de Babx (David Babin) que celles de certains de ses contemporains - amateurs de cartes postales (allons-y gaiement pour le lounge enfumé, les langoureux accords fardés de mascara, les Richard Clayderman en smoking blanc de Ken). Elles nous épatent. Ne pouvant nous raccrocher aux mots - ce n’est pas chanté - on est obligé de se contenter de l’essentiel, de l’essence même de l’instrument ; pas de raison se planter. Pas envie de couper le son. 

Cinq albums solo ce n’est pas rien pour un homme tel que Babx, qui depuis longtemps écrit, compose, accompagne les autres (ces autres-là qui sont de grands noms de la variété française). On est bien dans sa « maison avec un piano » - surtout que c’est une maison « avec un pianiste » a-t-on envie d’écrire. Pourquoi c’est beau, pourquoi ça marche ? Parce que quand on est perdu à l’étage d’un « Carnaval », la musique de Babx nous retrouve et nous guide. Écoutez, si vous ne me croyez pas. C’est la prochaine à droite, troisième maison, les volets blancs.