Nouvelle rubrique sur A Découvrir Absolument. Nous demandons à des musiciens un petit texte sur un objet musical que qu’ils aiment utiliser. La rubrique ne s’adresse pas qu’aux spécialistes, donc le champ est large : ça peut aller d’un appareil technique préféré à un accessoire toujours présent quand ils enregistrent une chanson ou dans un contexte musical, en passant bien sûr par un instrument, objet fétiche, etc.
Ma Guild D25M
Beaucoup de postulants quand il a fallu trouver l’objet qui allait avoir l’honneur des projecteurs de « My favorite things ». Beaucoup de choses me sont indispensables, et j’ai tissé avec certains de mes instruments des liens qui vont bien au-delà de leur fonction première : c’est le cas de ma guitare électrique Galanti, qui date de la fin des années 60 et que j’ai trouvée dans un vide grenier pour 10 euros, achetée dans le but inavouable de décorer le mur du local de répétition et qui est devenue ma guitare principale dès que j’ai pu la faire régler par mon luthier : quelqu’un quelque part avait décidé de notre rencontre et l’avait posée là, par terre, contre ce stand de vide-grenier, en sachant que je ne pourrai résister et que son manche de pioche aurait juste la forme du creux de ma paume droite ; c’est le cas de mon ampli Fender bandmaster, une merveille qui a patiemment attendu 40 ans qu’une petite annonce le mette sur mon chemin, avec son énorme baffle qui remplit le fond de scène et me donne le sentiment de ne pas être vraiment seul en concert ; c’est le cas du looper 2880 d’electroharmonix, qui m’a permis d’envisager de faire des concerts solo en empilant puis mixant sur ses 4 pistes toutes les parties de guitare que je peux imaginer ; c’est enfin le cas du studio Nocturne, extension de mon cerveau dans laquelle je peux me rendre à volonté pour composer, bidouiller, jouer de la guitare, de la batterie, de l’orgue, et capturer le tout avec un son plus que correct maintenant.
Mais, avec tout l’amour que je porte à ces instruments, il y a un qui a une place particulière : c’est celui qui restera si je dois tout quitter, tout vendre, c’est celui que je sauverai si les flammes s’emparent de mon studio. Si je n’ai plus rien, si je renonce à produire des disques ou à faire des concerts et même si l’électricité disparaît, j’aurai toujours une guitare folk à portée de mains, et cette guitare, ce sera ma Guild D25M. Cette guitare américaine, qui date du milieu des années 70, a été fabriquée à Westerly, Rhode Island. Elle est toute en acajou et n’a pas fière allure avec sa table en bois sombre qui a fait l’objet d’une réparation cachée sous un vilain nuage de peinture noire, son logo à demi effacé, ses marques de chute… Je l’ai vue pour la première fois chez mon ami Gordon Paul et, sachant que Nick Drake jouait sur une Guild en acajou (et inconscient à l’époque que sur ses disques il utilisait une Martin D28), je lui ai demandé l’autorisation de l’essayer. Ce fut une révélation, exactement le son que j’entendais dans ma tête depuis toujours mais n’obtenais pas de ma guitare personnelle. J’en ai cherché une quelque temps, en vain, puis Gordon m’a proposé de me la vendre. Je l’ai immédiatement acheté : le son, chaud, profond, résonne dans toute la caisse, je la sens vibrer contre mes cotes, et elle remplit incroyablement la pièce, on dirait que ses notes se développent et s’étirent dans tout l’espace comme des volutes de fumée. Je peux en jouer aux doigts, l’effleurer, mais je peux aussi si je le souhaite rentrer plus fort dedans, elle ne montrera jamais de signes de fatigue. Le luthier Hervé Tonnard, qui l’a réglée pour moi, a acheté sa première Guild dans la foulée. Cette guitare est la page blanche sur laquelle j’assemble les notes de mes morceaux, elle est mon porte voix, mon messager, elle est la branche providentielle à laquelle je m’accroche sur scène lorsque je suis emporté dans le flot de mes émotions. Je l’aime profondément et espère ne jamais avoir à m’en séparer.
Imagho sortira un nouvel album en 2013 (méandres) dont un morceau est à telecharger avec A Découvrir Absolument Volume 27