Quand j’ai lu à mon chien le texte de Thorstein Veblen tiré de sa « Théorie de la classe de loisir »et présent dans le livret de l’album de Moli, celui-ci a incliné la tête, tiré la langue et a aboyé, confirmant ce texte et ce que j’ai toujours pensé de notre chien, il n’est là que pour faire grossir les bas de laine des actionnaires des entreprises spécialisées dans les aspirateurs.
Quand j’ai fait écouter « Laisse Tomber » à ma fille, elle a incliné la tête, ouvert grande la bouche, confirmant que la musique de Moli avait en elle un science du divertissement, un accès direct comme le sont ces vidéos de chat sur le dos dans une posture de défense que nous prenons pour du jeu.
Quand j’ai fait écouté « Laisse Tomber » à mon épouse, elle a incliné la tête et gonflé ses joues en fermant la bouche, confirmant que ce genre d’expérimentation n’était peut-être pas fait pour un esprit cartésien, surtout quand celui-ci termine sa semaine de bureau loin du progrès socialiste des 35 heures.
Quand j’ai écouté « Laisse Tomber », je n’ai pas incliné la tête, celle-ci tournant sur elle même, comme dans la scène hilarante de l’exorciste. Ma bouche elle sera déformée par des mouvements disparates et sans fondement logique. Entre ébahissement, circonspection et inquiétude quand les mélanges incongrus font apparaître des monstres dont le génie n’aura pas d’égal. Imbriquant les mots et les sons, Moli ne fait pas de classification, pouvant s’abreuver dans les méandres des sons discountés autant que dans le meilleur de l’éléctronica (Médiérav ou la meilleure façon de rejoindre le Demy de Peau d’Âne dans la déconstruction du temps et de son aplatissement). Sous un vernis qui n’est pas sans nous rappeler les exploits cinématographiques de Quentin Dupieux, Moli dit beaucoup de notre époque dans une économie de mot. « Laisse Tomber » est en cela un disque important et troublant, comme ce chien dont la description pas très glorieuse oublie de mettre en gras le fait qu’il a des « dons spéciaux », Moli a un don. Allez….inclinez la tête