La vengeance des bassistes qui s’appellent Kim, le retour. Après Kim Gordon en mars dernier (The Collective, pas encore écouté), c’est au tour de Kim Deal de publier un album solo (Nobody Loves You More, sortie prévue le 22 novembre prochain), LA MÊME ANNÉE que les disques de Thurston Moore (Flow Critical Lucidity, mitigé) et des Pixies. Cômmparhazard. Vous croyez aux coïncidences, vous ? Pas moi. Tel William S. Burroughs, je vois de la magie vaudou partout et ne sors jamais sans mon casque en aluminium. Bon, pas besoin d’une boule de cristal pour savoir ce qui va être reproché à The Night The Zombies Came, le nouvel (et neuvième – l’inaugural Come On Pilgrim est un EP) album des Lutins de Boston. Primo, la nouvelle bassiste (Emma Richardson, ex-Band of Skulls) serait moins bien que l’ancienne bassiste (Paz Lenchantin, virée car pro-républicaine), qui elle-même était moins bien que l’ancienne ancienne bassiste (Kim Deal, si vous suivez). Secundo, depuis le départ définitif de Kim en 2013, les Pixies auraient perdu leur mojo, dont Kimmy Kim fut la garante, la preuve étant cette chanson que les affreux Dandy Warhols lui ont en 1997 dédicacée : Cool as Kim Deal. Mouais. Frank Black n’a certes pas l’air d’un gars très fun, même si ses textes disent le contraire – sur ce nouvel opus, il s’en donne à cœur joie et nous rappelle à quel point les Pixies sont un groupe cartoonesque –, mais c’est quand même lui qui depuis leurs débuts en 1986 a composé l’intégralité des songs ; Kim a écrit Gigantic et Bam Thwok, ainsi que coécrit Silver, ça fait 2,5 chansons. Je crois que l’on surestime grandement l’apport de Kim Deal au sein des Lutins, qui plus est lorsque plombée par les addictions et autres joyeusetés elle leur a probablement compliqué la tâche. Si cool = défoncé, alors cool = pas vraiment cool. Enfin, franchement, le bassiste, dans un groupe, tout le monde s’en cogne, non ? Quel groupe n’a pas survécu au départ de son bassiste ? Bande de petits malins, pas la peine de me citer Motörhead.
Une fois évacués les sujets qui fâchent, welcome Emma et en route pour les treize chapitres de la Nuit des Zombies, dans lesquels on trouvera :
– la traditionnelle ligne de démarcation pixisienne entre compositions power pop électrifiées (Oyster Beds) et ballades bancales également électrifiées (Kings of the Prairie) ;
– la (désormais) traditionnelle production neutre signée Tom Dalgety, dont le principal effet de manche repose sur l’usante et prévisible alternance des temps calmes et des temps forts (You’re So Impatient, Motoroller) ;
– un Frank Black théâtral sur I Hear You Mary, presque endormi sur Mercy Me ;
– Un Joey Santiago à la guitare parfois trop bavarde (c’est quoi cet infâme solo sur le slow western Chicken ?) ;
– Emma fait le job, mais le job de bassiste, au sein des Pixies, ça consiste à jouer de manière linéaire sur les temps et sur les notes fondamentales, et doubler le chant ou faire des ouh-ouh, donc pas de plus-value particulière – ceci dit, sur Primrose et Jane (The Night the Zombies Came), on valide ;
– David Lovering. Que (ne pas) dire de plus sur le batteur Dave Lovering, alias The Scientific Phenomenalist ?
– des chansons anecdotiques ou qui se perdent (ou nous perdent) en route (Johnny Good Man, The Vegas Suite, Ernest Evans) ;
– Hypnotised, certainement le meilleur morceau de l’album. Malicieux, mélodieux, aventureux. Décousu, charmant. Après une inquiétante introduction héroïque (inquiétante parce que l’on se demande où le groupe va nous entraîner), la tension retombe et nous voilà plongés dans une sorte de pop song un peu bêta, digne d’un teenmovie de la fin des 80’s, sauf qu’au moment du refrain on passe du binaire au ternaire et tout se met à planer, et ainsi de suite. C’est espiègle, bien fichu, de la pop série B digne des Lutins, qui ne sont jamais meilleurs que lorsqu’ils font un peu n’importe quoi, et sur ce The Night The Zombies Came trop long et trop sage (décibel n’est pas synonyme de folie), les Pixies auraient gagné à se lâcher la bride. Après tout, dans la life, on n’est vieux qu’une fois, non ?