Difficile de sélectionner des questions, j’en ai des milliers. Un soir tu as tout fait basculer, j’étais étudiant, j’écoutais Lenoir et Viviant et un mardi soir alors que les pâtes étaient toujours aussi mauvaises, une planche de salut était là pour nous faire relever la tête baissée par les head banging. Même si le titre était stupide, les inrocks avaient misé juste (oui à l’époque c’était encore possible) « la chanson française dont vous n’aurez pas honte ». Comme j’habite le Nord de la France, chaque jour je chante un bout de Monsieur A, car il pleut, donc les bras m’en tombent, les oiseaux sont courageux, et février semble être l’unique mois de l’année, heureusement les lapins de mes voisins sont aussi mes copains. Emotions de pouvoir te donner ces quelques questions. Oui c’est un matin heureux, avec une présence. Merci d’avance.
Retour à la source dans laquelle tu t’abreuvais pour de « La fossette » avec « La Musique » ?
— Dominique A : Retour à un fonctionnement solo, oui, et des sons voisins de La fossette dans le premier titre, oui, mais comme une fausse piste, puisque la seconde chanson, très lyrique et arrangée, fonctionne comme un démenti. Après, comme c’est un disque axé sur les claviers et les boites, c’est sûr, ça rappelle des souvenirs.
Nouveau label, nouvelle façon de travailler, un Dominique A nouveau. Après le magnifique coffret aux trésors inestimables et un livre, tu as fermé une porte pour mieux en ouvrir une ?
— Dominique A : Je ne fais que ça, ouvrir et fermer, mais au final, j’ai le sentiment de tomber nez à nez avec plus ou moins la même chanson.
A quel moment avez vous eu cette idée du feuilleton sur inter ?
— Dominique A : C’est Willy Richert, le journaliste d’Inter, qui a initié cette idée, en accord avec Vincent Josse. Avant, j’étais plutôt hostile à ce genre de visite en coulisses, sous prétexte que ça tue un rien la magie, mais aujourd’hui, je pense que tous les moyens sont bons pour faire exister un disque, et avec un type comme Willy, respectueux, pas du tout intrusif, c’est un plaisir.
N’est ce pas ton disque le plus libre depuis le début de ta carrière, celui que tu auras commencé sans une idée de concept ?
— Dominique A : Détrompe toi, il y avait une idée, un cahier des charges très simple, plus qu’un concept. Je ne sais pas si c’est mon disque le plus libre, je peux juste dire que je l’ai enregistré avec beaucoup de jubilation ; j’ai adoré jouer avec les boites à rythme notamment, je voulais que rythmiquement, ça ne se relâche pas.
« aujourd’hui braderie j’offre tout ce que j’ai je donne tous mes objet mes souvenirs aussi contre un sens à ma vie » tu commences fort avec « Le Sens » ? autant te le dire j’ai eu peur je t’ai senti comme fatigué la voix usée. Ce titre c’est le constat avant une forme de rédemption de relâchement ?
— Dominique A : C’est une voix de 8 heures du matin, un essai informel sur un texte et une base rythmique qui finalement est resté en l’état, parce qu’il se passe un truc sur cette prise voix. Pour moi, le texte est plus ludique qu’autre chose, il y a un côté direct et une légèreté que je n’ai pas souvent, un « baissage de garde », si j’ose dire, qui me fait des vacances.
L’absence, le départ, le manque c’est un dés thèmes récurant de ce nouvel album (Immortels / Qui Es Tu ? / Je Suis Parti Avec Toi). C’est une chose qui c’est imposé au fil des titres ?
— Dominique A : Tu ne vas pas me croire, mais je ne m’en étais même pas rendu compte. Les thèmes récurrents ne sont jamais intentionnels. En même temps, ce sont des thèmes très généraux, ceux auxquels tu fais allusion, et j’ai l’impression d’avoir déjà brodé dessus par le passé.
Un titre comme « Nanortalik » découle du voyage qui a vu naître « L’Horizon » ?
— Dominique A : Non, c’est un autre voyage au Groenland Sud qui me l’a inspiré.
Avec ce titre la boite à rythme semble prendre une place prépondérante qu’elle ne lâchera pas tout au long du disque. Tu recherchais cette facilité, ce son plus directe, moins travaillée.
— Dominique A : J’avais envie que, dans la mesure du possible, ça envoie, qu’il y ait une énergie, parce que plus je vieillis, moins j’ai envie que ce soit feutré. C’est peut être une période, mais toujours est il que c’est ainsi. Je n’ai pas le sentiment que ce soit moins travaillé pour autant, en terme de mix notamment, Dominique Brusson a fait un boulot du tonnerre, mais c’est sûr que j’aspire à ça, une efficacité qui était le cadet de mes soucis il y a quelques années.
Avec « Hasta Que el cuerpo aguante » c’est le gros Boris qui se transforme en marin des bars ? Tu es passé d’ailleurs maître dans l’art de dépeindre un personnage. Ce sont tes lectures qui t’incitent à t’attacher plus aux gens qu’aux sentiments ?
— Dominique A : Je ne te suis pas bien, sur ce coup là. S’intéresser aux gens, c’est s’intéresser aux sentiments, il me semble. Enfin, pour ce qui est de cette chanson, ça m’a été inspiré par un ami espagnol qui me parlait d’un français qui se mettait la tête à l’envers dès qu’il mettait les pieds en Espagne « hasta que el cuerpo aguante », jusqu’à ce que son corps le lâche, donc. L’expression m’a frappé, et ça m’a donné l’idée d’un type qui ferait tous les bars de la terre. Mais c’est très succint, comme portrait, la chanson est un format court qui permet d’ébaucher des esquisses de personnages, mais pas beaucoup plus.
Question bête, mais comment est arrivée l’idée de reprendre le texte en le lisant à la fin du titre ?
— Dominique A : Je ne sais plus, j’avais envie de voix parlées qui se croiseraient à la fin de la chanson, quelque chose d’assez confus où on aurait perçu que quelques mots ici ou là, et c’est Dominique Brusson qui a eu l’idée d’une seule et même voix, très compréhensible pour le coup, et qui fait des petites manières à la Daniel Darc.
J’ai lu dans libération que tu avais écrit des chansons pour le prochain Bashung, mais qu’au final rien n’a été retenu. En deux mots, comment as tu accueilli cela, et est ce que des chansons de « La Musique » datent de ces propositions.
— Dominique A : J’ai eu la rage quand j’ai appris qu’ils n’avaient rien gardé, inutile de le nier. Ça faisait partie du jeu, mais ça m’aurait plu de l’apprendre en direct, et pas par voix de presse. « Immortels » a été écrite au départ pour Bashung, et une autre, qui se trouve sur « La matière », « Seul le chien ». Bon, aujourd’hui, concernant « Immortels », je suis très content de me l’être réappropriée, je trouve qu’elle équilibre l’album, et j’en suis fier comme un coq.
Comment regarderait le Dominique A de Remué celui de « Je Suis Parti Avec Toi » ?
— Dominique A : Infoutu de répondre à cette question.
Tu vises les dance floor ou de passer sous silence le prochain Depeche Mode avec « Hotel Gongress » (rires) ou alors d’être un Katerine dépressif (pléonasme ?)
— Dominique A : Je pensais plutôt marcher sur les plates bandes de Bjork, sur ce morceau (la rythmique).
On parle souvent de ta connexion avec la littérature (ou se souvient de « Tout Sera Comme Avant ») mais le cinéma ne te tente pas. Avec « Le Bruit Blanc De L’été » tu tiens un petit bijou cinématographique. ?
— Dominique A : Cf réponse 11. Que veux tu que je réponde à une question pareille (qui n’en est pas une, même si c’est très aimable de ta part) ?
Qui sont ces garçons perdus ?
Dominique A : Ah, ça… C’est le type de trucs qui me tombent dessus, et je suis le premier après à courir après ce que ça signifie. J’avais juste l’idée d’un retour à la nature, de gamins qui fuiraient la civilisation, comme dans un roman d’anticipation des années 70, et j’avais aussi envie qu’il soit fait allusion à « des dieux enfuis », comme une métaphore possible de ces garçons perdus, ou comme une raison de leur mise à l’écart volontaire, avec la notion de perdition entre les lignes.
Tu vas tourner avec quelle formule pour défendre « La Musique » ?
— Dominique A : Quelques concerts solos au printemps, à but promotionnel, et une vraie tournée en automne hiver, avec trois musiciens, axée sur les claviers et le travail rythmique ; il y aura un batteur, ça donnera forcément une version plus organique des chansons.
D ‘ailleurs ce La de La Musique, tu n’as pas peur qu’il te soit reproché ?
— Dominique A : Avec un titre pareil, c’est forcément tendre le bâton pour se faire battre ; il faut croire que j’aime ça.
Je me rappelle d’une interview de toi sur la nouvelle scène française avec toi comme parrain. Le souci c’est que le parrain tout en reconnaissant la filiation, constatait que cette scène restait marginale. Tu persistes ou au final tu t’en fout.
— Dominique A : Je persiste, même si Miossec et Katerine ont chacun accédé à une large reconnaissance. Ce sont des exceptions. Pour le reste, ça vivote, avec, lot de consolation, çà et là des disques réjouissants pour les quelques milliers de personnes que ça intéresse.
D’ailleurs sortent ces jours ci les nouveaux albums de Mansfield Tya et Un homme et Une Femme qui te citent dans leur référence. Etre une référence c’est déjà avoir son mausolée (rires) ? Si au final tu étais le sauveur de la chanson en français, car sans toi comme déclencheur n’aurions nous pas que des simili bloc party ou Coldplay (imagines le calvaire) ?
— Dominique A : C’est une réflexion qui n’engage que toi, il me semble.
Tu termines avec « La Fin Du Monde » qui ressemble à s’y méprendre à une réponse au twenty two bar, aux haut quartiers de peine. Tu songes parfois à cela en écrivant, un ping pong entre tes chansons, où tout cela reste dans les arcanes dérangés de certains de tes auditeurs ?
— Dominique A : Oui, j’y pense, et c’est vrai que c’est le genre de balancement vaguement mambo, version réfrigérée, que j’aime bien utiliser de temps à autre. Là, ça faisait un bail ; j’ai un peu hésité, mais pas longtemps. L’idée que les chansons se répondent, d’un disque à l’autre, me plait bien, c’est comme un jeu de piste pour l’oreille.
Pour finir si tu avais à nous conseiller un disque comme tu peux le faire sur l’excellent site « où comment certains vivent » ?
— Dominique A : Le dernier Boogaerts, « I love you », au groove tordu, et assez malade sous ses dehors loufoques.
Merci de ton intérêt. Bonne continuation. Dominique.