Voir une aventure se terminer c’est toujours triste. C’est d’autant plus triste quand l’aventure se termine dans un étrange mélange de douleur, de frustration et d’envie de continuer de travailler ensemble.
Période navrante que la nôtre qui voit nos têtes de gondole emplis de disques jetables, nos lecteurs mp3 gavés jusqu’à ras la gueule de simples matières consommables (que nous ne consommons même pas) pour des parts de cerveaux disponibles.
Période navrante que la nôtre qui voit nos labels chéris dirigés par des gestionnaires cyniques.
Période navrante que la nôtre qui voit nos salles de spectacles aux propositions de concerts uniformes, ni trop risquées, ni trop novatrices. Après tout, on est là pour essayer de faire de l’argent ou mieux de ne pas en perdre.
Triste constat, me direz-vous ? Où est l’artistique dans tout celà ? Je suis malheureusement bien d’accord avec vous.
C’est pourtant ce que vit une partie de la scène que nous aimons.
Voir le projet Angil And The Hiddentracks disparaître pour la seule raison qu’ils leur devenaient impossible de se produire sur scène... Trop nombreux, trop cher, trop risqué... du bla bla pour laver les bonnes consciences de nos amis "promoteurs" de spectacle.
Les temps sont au ridicule et au cynisme.
Vous êtes-vous déjà amusé à décomposer ces expressions tellement communes, qu’on utilise tous les jours, qu’on ne finit par ne plus y prêter attention ?
C’est pourtant plus que parlant sur notre société communicante qui fait son Narcisse sur les réseaux sociaux.
Prenez Directeur de ressources humaines qui nous limite à des quantités qualitatives et productives.
Voir disparaître le projet stéphanois relève du même constat. La seule logique qui est parole au chapitre, c’est celle de la finance.
L’artistique, c’est juste un produit chiant dur à vendre, alors autant le rendre lisse, sans identité, la ménagère sera plus facilement hameçonnée.
Période navrante, me direz-vous ? Ben oui mais en même temps quitte à passer pour mon moraliste à deux cents d’euro, nous avons les périodes que nous méritons.
Cette désespérance ambiante me donne envie de replonger dans les mots du trop rare Erik Arnaud et son armure si juste dans le contexte de cette chronique :
"Il faut sortir de l’ornière
retrouver le pays de l’or noir
retourner le monde à l’envers
changer la piste aux étoiles
goûter le fruit défendu
saisir la chair à mains nues
défaisons l’armure
rien ne perce même si ton sang sature
préparons la rupture
alignons de quoi plier l’ordure
il faut surprendre le milliardaire
faire de Lee Perry une pop star
renverser la tendance à l’austère
changer les hommes au pouvoir
guider la main de l’homme perdu
se révolter en ayant l’air détendu
tarissons la source
oublions que d’autres ont déjà goûté la soupe
fabriquons de nouveaux groupes
refusons d’écouter les voix qui nous saoulent
donnons-nous
donnons-nous la force d’assumer la lutte
d’imprimer la marque et d’inventer un futur
écoutons-nous
ayons l’envie de défendre une cause injuste
de suer à grosses gouttes l’espoir comme armure."
Dire adieu au projet Angil and the hiddentracks pour ADA est compliqué tant le lien entre le webzine et la bande à Mickael Mottet sont étroits.
C’est dire adieu à une période, une période peut-être plus enthousiasmante que celle que l’on croit se voir profiler sur l’horizon sombre.
Qu’en est-il de ce cet album, "Fucking with lines" ?
Est-il empli de rage, de rancœur ?
Rien de tout cela, bien au contraire. Au long de ces 16 titres, le groupe ballade son élégance racée. Entre Soul déboussolée et Pop sur orbite, c’est un dernier tour de piste généreux.
On ne s’était pas remis de la disparition annoncée des Married Monk de Christian Quermalet. On se consolait alors en se disant qu’Angil officiait toujours dans des veines finalement pas si éloignées de "The Jim Side".
Un dernier tour de piste qui se veut à la fois un retour sur la discographie du collectif mais aussi un regard sur le présent, voire le futur des différents protagonistes.
De Mickael Mottet, tête chantante du groupe en passant par Mickael Wookey ou l’enthousiasmant The Flegmatic ( à retrouver d’ailleurs sur le volume 30), on se dit que peut-être Angil and the hiddentracks est mort mais que son esprit restera bien vivant.
Alors, certes, notre période est navrante, pour ne pas dire désespérante, mais plus que jamais, créer devient un acte de résistance envers et contre tout, envers et contre la frilosité, envers et contre le cynisme.
Mickael Mottet et les siens, qu’ils soient tous ensemble ou dilués dans différents projets l’ont bien compris.
Angil est mort, vive Angil !
Angil est mort, vive l’avenir !